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Restauration et remise en fonctionnement d'un poste TSF de 1928 :
Alimentation secteur alternatif 110/220V, 5 lampes intérieures, haut-parleur extérieur Philips de l'époque


A cette époque il existe un nombre important d' "Ingénieur-Constructeur" ; il n'est donc pas rare de trouver des réalisations de ce type, en dehors des marques connues : Ducretet, Brunet, Marconi, Radiomuse, SFR, Radio LL, Pathé, ...
Sur ce poste de marque inconnue, seul le numéro de série apparaît dans le bois (ici en mode négatif pour faire ressortir la gravure) :



Nous sommes en présence de postes encore alimentés par batteries ou piles, ou même directement par courant continu en région parisienne : la couverture par le réseau électrique alternatif est encore faible.


Photos : pile pour poste de T.S.F destinée à l'alimentation des filaments
vers 1926

Deux grandes marques concurrentes (pour longtemps ..), Philips et Thomson, lancent les premiers systèmes redresseurs indépendants sur secteur permettant de remplacer les batteries (4V-80V-90V-120V) ou plus exactement de les recharger.


Photos : chargeur de batteries 4V - 120V pour poste de T.S.F :
vers 1926 - 2 tubes : 1 valve à gaz Philips 1010 et 1 régulateur Philips 1011 (fonctionnels !)

La codification normalisée des lampes n'existe pas et chaque fabricant utilise ses propres références et codage. Mais avec le peu de modèles disponibles et de nombreuses copies technologiques, les équivalences ou remplacements sont très faciles ! Les petits constructeurs emploient donc les lampes fabriquées par les grandes marques : Philips, Telefunken, Marconi, Radiofotos Grammont, Dario, Valvo, Visseaux, Mazda, Tungsram, ...
A l'aube de ces premiers traitements du signal, les schémas sont très souvent des applications pures de la théorie ou des copies des grands constructeurs et il existe peu d'innovation technologique, hormis le principe du Super Hétérodyne breveté par Lucien Lévy (Radio LL).

Note : Le principe de l'amplification directe (Haute Fréquence) est utilisé par les plus grandes marques. Philips emploie le terme de "Super-Inductance" dans ses publicités, terme qui n'est pas galvaudé dans la mesure où ses postes utilisent un nombre conséquent de bobinages accordés pour assurer cette amplification directe avec un filtrage minimum (faible couplage) pour en augmenter la sélectivité. Dans les mêmes publicités, on vante aussi l' "Ultra Musicalité" de ces postes : il est vrai et démontrable que l'onde porteuse et sa modulation sont transmises avec le maximum de largeur de bande jusqu'à la détection, sans rotation de phase. On recueille alors le spectre audible dans son intégralité mais au détriment de la sélectivité et des parasites adjacents.


Il faut attendre le milieu des années 30 pour que Philips abandonne ce principe coûteux en bobinages, commutateur à galettes multiples, délicat à la mise au point et dont les performances deviennent dépassées, pour enfin utiliser le changement de fréquence dont les brevets sont en partie détenus par l'américain AT&T. Les publicités font alors état de l' "Octode-Super" : de même, ce terme est lié à la technologie du tout nouveau tube développé par Philips en cette année 1934 : il désigne le tube changeur de fréquence (oscillateur + mélangeur) disposant de 8 électrodes : 1 cathode + 6 grilles + 1 anode : c'est l' Octode AK1
Dans la publicité, le poste devient alors "Ultra Sélectif" ... !
La fréquence intermédiaire n'est toujours pas normalisée (par ex. 455 KHz) et Philips, comme ses concurrents, choisit une fréquence très basse de l'ordre de 115 KHz, ce qui rend les choses difficiles à maîtriser au niveau de la "réjection de la fréquence image" et de plusieurs accrochages entre étages ...

Revenons à notre poste : les composants proviennent de plusieurs marques et pays. Dans notre cas, les lampes viennent de Hollande et Hongrie, les condensateurs de chez SACT ou MIKADO (France - avec une date code Mars 1928 qui a permis la datation du poste), les potentiomètres et contacteurs d'Allemagne et les bobinages artisanaux dits en "nid d'abeille" de France.

Les lampes sont d'origine, y compris la valve Philips reconnaissable au bulbe évasé de première génération (avant 1940):


Redressement HT Valve 506 (Philips - 1928)
Amplification BF Pentode D100N (# Philips B443 - 1927)
Détection et Préamplificatrice Triode E424N (Philips - 1928)
Ampli HF [2] Tétrode à grille écran AS4125 (Tungsram / Budapest - 1927)
Ampli HF [1] Pentode DG4101 (Tungsram / Budapest - 1927)

L'ensemble des composants est monté sur un châssis en ébonite avec un superbe polissage optique. La fragilité de ce type de châssis isolant est grande. La moindre contrainte mécanique fait voler en éclats cette magnifique plaque support. Tous les composants passifs sont minutieusement assemblés et vissés. Il existe très peu de soudures : une quinzaine, avec un pourcentage de plomb important, facilement identifiable par le bas point de fusion. Les fils rigides sont formés et tirés à angles vifs entre les différentes bornes.


Les flasques latérales en bois constituant l'enveloppe esthétique du poste comportent un certain nombre de bobinages d'accord antenne. Une commutation latérale par jack modifie le couplage du bobinage d'entrée et donc son adaptation à l'antenne.
Le panneau de bois supérieur comporte en son centre une douille permettant de recevoir un cadre antenne orientable de grandes dimensions, en remplacement d'une antenne filaire extérieure.
La restauration des boiseries doit être faite délicatement, sans avoir recours à un démontage systématique de ces composants fragilisés avec le temps. Les panneaux avant et supérieur sont marquetés avec quelques incrustations de bois au veinage différent.
Un dérouillage est effectué sur tous les axes mécaniques.
Le Condensateur Variable (accord des stations) comporte les trois "cages" classiques liées à ce type d'amplification directe. Le cadran en demi-lune est encore gradué en longueurs d'ondes (mètres). Un autre petit condensateur variable, manoeuvrable par un bouton en façade, vient optimiser la détection plaque de la triode E424 (fortement polarisée, détection par courbure de la caractéristique de grille).


Il n'existe aucun ajustement de fréquence des bobinages. On remarque sur le dessus des mandrins en bois le nombre de tours écrit en clair par l'ouvrier qui les a réalisés, ceci dans un but de repérage et de réglage initial : certaines valeurs sont barrées jusqu'à l'obtention du nombre de spires pour un accord parfait ...


Par miracle, les condensateurs au papier et les blocs de condensateurs sont restés "correctement capacitifs" et seuls les condensateurs de filtrage (valeurs faibles de 2 à 8µF en correspondance avec le courant redressé) ont été remplacés : afin de conserver le côté historique de l'objet, les condensateurs neufs sont intégrés dans leur habillage plus ancien. Le filtrage après redressement est assuré par une énorme self d'environ 15 Henry (digne d'un filtrage d'ampli HIFI à tubes de haut de gamme) dont le volume est équivalent à celui du transformateur d'alimentation !
La liaison BF entre la triode et la lampe finale s'effectue par transformateur afin d'avoir le maximum d'excursion en attaque de grille.
La sortie de puissance sur haut-parleur de forte impédance (2000 Ohms) s'effectue via une prise "jack" femelle au diamètre de 6mm au lieu des 6,35mm actuels. L'épaisseur de matière est suffisante pour permettre un léger réalésage et assurer l'insertion d'un jack moderne de 6.35mm. Sur cette sortie sera branchée un des premiers haut-parleurs électrodynamiques de l'époque avec une membrane papier de 25cm : un diffuseur Philips de 1928.
La sensibilité de ce poste est bonne (Grandes Ondes et Petites Ondes), même avec une simple antenne de 2 mètres. La sélectivité est par contre déplorable mais sans conséquence vu le peu d'émetteurs permanents à cette époque : nous sommes loin de l'encombrement de la bande FM !...
La qualité sonore est celle de la bande passante téléphonique avec un centrage sur le médium (1KHz) pour assurer une intelligibilité suffisante malgré la faible puissance acoustique.
Une véritable renaissance fonctionnelle pour cette T.S.F qui fête ses 80 ans avec seulement 2 composants changés ! Tout le reste est d'origine ... Quid de nos électroniques consommables d'aujourd'hui dans 80 ans ???