EDITO JANVIER 2014

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Une année de santé audiophile. Dépassons les bornes !

Vous, audiophiles, vous avez toujours la santé !

Et il va encore vous en falloir cette année, car AUDIO MUSICAE vous entraînera à nouveau dans ses mondes musicaux, les plus variés, d'autres inconnus et aussi ceux auxquels vous n'envisagiez même pas de goûter, faute de référence.

Nous avons en commun ce besoin de curiosité, de nous dépasser, d'améliorer sans cesse, de valider, de renforcer ainsi notre expertise, de créer.

Cette recherche se veut bien sûr convergente et les écoutes permanentes des clients professionnels et particuliers - dont plusieurs fidèles depuis plus de 10 ans - nous montrent que nous suivons le bon chemin, quelles que soient les technologies électro-acoustiques.

Chemin souvent difficile ; mais heureusement la théorie et l'expérience nous permettent à chaque fois de progresser et de vous en faire ainsi profiter.

Cette année encore, nous sortirons donc des sentiers battus et des propos incongrus des pseudo techniciens gourous qui voudraient vous faire prendre, via leurs oreilles en plomb, que leurs amplificateurs sont en or ; un or plus que douteux qui se dévaluera très vite au fil de vos écoutes.

Nous débuterons donc cette belle année d'harmoniques paires avec trois restaurations maintenant effectives : un amplificateur de 1932-33 délivrant environ 15 Watts avec deux bigrilles (ancêtres des tétrodes) et pour aller encore plus loin, deux blocs mono de ... 1929 et de puissance identique, en "pure triode".

Auparavant, le domaine audio est si balbutiant et si rare qu'il ne peut se confronter raisonnablement avec nos objectifs de qualité de reproduction.

Il fallait donc oser, ré-analyser ces technologies - à priori totalement dépassées - et qui nous ont donné un peu de fil à retordre dans les choix de restauration et la difficulté à trouver des tubes d'origine de plus de 80 ans ...

Mais nous sommes aussi en osmose avec les dernières technologies numériques : un nouveau downsampling de 176.4 KHz à 44.1KHz (quasi proche du zéro jitter dans cette configuration) est désormais utilisé pour commander notre lecteur CD professionnel et son convertisseur associé qui reste lui, à une fréquence bien plus élevée …


Une association au dessus de tout soupçon !
Les deux boutons avec flèche sont typiques des années 30 : on les retrouve sur les amplis professionnels RCA et Western Electric.


Une certaine "magie" s'opère donc par l'association d'éléments anciens remis à niveau, et ceux de la toute dernière génération digitale !
A noter que les meilleures écoutes du salon Hi-End de Munich sont en correspondance avec ces principes : association numérique Hi Tech, amplis à tubes et systèmes à pavillons Western Electric de 1929 !

Ceci nous amène directement à la rénovation de notre amplificateur de 1932-33.
Il provient d'une société canadienne de vente d'instruments de musique et comporte des transformateurs estampillés Hammond.


Sigle "Hammond" sur un des transformateurs de couplage.

Rappelons que cette marque est LA marque d'orgues électroniques depuis les années 30.
Citons entre autres le fabuleux "B3" dont Jimmy Smith, Rhoda Scott, Eddy Louiss, Joey DeFrancesco … se sont emparés avec brio.

Ces orgues, hors le principe électronique traduisant le toucher (accélération et frappe) et la fameuse cabine Leslie, sont équipés d'amplificateurs puissants, souvent associés avec 4, voire 8 haut-parleurs de 30cm, ce qui laisse augurer de la puissance acoustique émise dans le grave !

La première série "A", fabriquée dès 1935, intègre un amplificateur de 20 Watts, le A-20, équipé des célèbres triodes 2A3 montées en push-pull parallèle. Le déphasage est assuré par deux triodes "type 56", version améliorée de la triode "27", cette dernière équipant l'étage de détection par courbure de caractéristique de plaque des postes de TSF.


Schéma du modèle A-20 de 1935, avec couplage par résistances-capacités.
Ce principe n'est pas encore appliqué dans notre amplificateur !
On notera la grande simplicité du schéma, sans artifice.


Notre amplificateur, mono, est une version prototype (!) comme indiqué sur la petite carte en façade ; son âge se devine facilement par examen des dates sur les condensateurs à bain d'huile (hors service) et par les références des tubes.
Il s'agit donc d'une version de laboratoire développée par Hammond, avant mise sur le marché des premières séries d'orgues.
Le châssis est entièrement chromé, de très belle conservation, sans trop de pointes d'oxydation ou de décollement, et ce malgré ses 80 ans !
Les transformateurs fixés par étrier, sont aussi capotés et chromés, ce qui donne une vision finale très agréable, un peu à l'image des Mac Intosh.

Il comporte un réglage de volume et un réglage continu de tonalité, très rare à l'époque, sauf sur les matériels professionnels.

Un étage d'entrée, équipé d'une penthode, assure le gain nécessaire pour une entrée micro extérieure.
Afin de pouvoir répondre à nos critères modernes d'utilisation, la penthode d'entrée est remplacée par une seconde triode d'époque, type "56" et le mélange des 2 voies stéréo, gauche + droite, est ainsi assuré électroniquement.

Deux énormes prises de 2"½, speaker 1, speaker 2, alimentent les groupes de haut-parleurs.
Elles sont remplacées par deux vumètres d'époque, ne dénaturant pas la face avant et permettant la visualisation du courant plaque des tubes finaux.


Tube triode type "56", embase 5 broches, New Old Stock - vers 1930.
L'étiquette indique clairement la virginité de ce tube !
Les deux prises haut-parleurs démontées de la face avant du châssis.


Quatre bornes de 4mm en face arrière assurent le branchement parallèle de nos deux enceintes à haut rendement de 101 dB chacune, soit 104 dB pour 1 Watt à 1 mètre en final, ce qui devrait suffire, même avec des tubes un peu usés !

Avant 1930 et depuis Lee De Forest, les gains des toutes premières triodes sont faibles (µ de l'ordre de 10).
Par nature, il en est de même des sensibilités des triodes finales de puissance.
L'amplification complète repose donc sur un couplage inter-étages par transformateurs assurant le swing maximal et une attaque correcte, en semi-puissance, des étages de sortie.
Nous maintenons cette configuration afin de juger - à l'écoute - de la qualité des tôles et des bobinages des transformateurs d'origine.

L'étage driver est équipé d'une rare penthode, type "47", qui alimente elle-même un transformateur de puissance intermédiaire de 3 Watts environ, digne de la sortie d'un amplificateur moderne de 40 Watts !
Comme pour les Mac Intosh ou les Scott, on ne lésine pas sur le fer ; la bande passante doit au minimum être très étendue vers le bas …

Cette penthode attaque donc en puissance les deux tubes finaux du push-pull équipé de 2 bigrilles type "46".


Vue sur les tubes finaux RCA, type "46" et la valve type "80" à droite.
Derrière la valve, l'imposant transformateur d'alimentation calibré pour 220 Watts !
Sur cette même ligne, la self de filtrage et le transformateur de sortie.


Nous sommes vraiment à l'aube de l'amplification de puissance : ces tubes permettent dans une configuration classe B, de délivrer 20 Watts à 5% de distorsion, sans contre-réaction, car inconnue à l'époque avant les travaux de Bode et Nyquist.

Une modification de polarisation sera pourtant apportée pour les besoins d'une écoute Haute-Fidélité, en configuration classe A.
Le transformateur de sortie supporte généreusement le courant associé de 30 à 50 mA, sans risque de rupture de chaque enroulement primaire : il est, de base, conçu pour absorber des pics de courant de 200 mA, soit 80 Watts en pointe !
A l'instar de nos amplificateurs de cinéma de 1947 et déjà décrits, le headroom est d'un facteur exceptionnel de 4.

Nous nous plaçons donc dans une optique de reproduction de très haute qualité, mais en conservant la technologie des tubes et des transformateurs de l'époque.
Ainsi, cet amplificateur sera intégralement équipé avec des tubes identiques à la première monte, avec "globe S17" et non les versions d'après 1933, avec les bulbes standards plus connus des audiophiles : types ST14 ou ST16.


La magnifique penthode à chauffage direct type "47" entourée des deux transformateurs de couplage inter-étages.
A gauche, les triodes d'entrée, type "56".


Le redressement double alternance s'effectue initialement par un redresseur à vapeur de mercure (sic) type "82".
Puisque les enroulements du transformateur le permettent, une valve classique type "80" est mise en place, bien que dans ce cas, légèrement en limite d'utilisation permanente.
Mais comme une self en tête assure un premier filtrage de la haute tension, cette importante réserve d'énergie va limiter fortement le travail de notre valve.
Bis repetita : les condensateurs de filtrage sont de très faible valeur - 4 et 8µF - à l'inverse des choix aberrants des designers à tubes de ce jour …

Le transformateur d'alimentation est surdimensionné.
Le secteur alternatif est balbutiant en Amérique du Nord et il est donc prévu pour accepter des fréquences allant de 25 Hz à 60 Hz, suivant les génératrices et les régions !
Le volume des tôles est donc conséquent et pour notre secteur actuel de 50Hz, aucun problème ni échauffement à redouter.
A noter une self complémentaire de filtrage en interne, en cas de secteur 25 Hz, afin d'éliminer tout résidu de redressement.
On retrouve ce principe dans les postes de radio US de ces mêmes années : RCA-Victor et Radiola, Atwater-Kent,

Fonctionnement

On ne met pas en route ce type d'appareil avec un simple interrupteur !
Plusieurs précautions sont à prendre :
- lié à l'âge de l'appareil et des isolants des transformateurs,
- au chauffage direct des tubes, dont la valve qui débite immédiatement,
- à la fragilité des filaments qui sont suspendus et la proximité des grilles (dilatation),

Un autotransformateur variable (Variac) assurera la montée progressive de la tension, donc de la thermique, et par conséquence la longévité de l'ensemble.
Ce principe de fiabilité est d'ailleurs intégré dans les premiers amplificateurs pour le cinéma sonore de la Western Electric, avec rhéostat incorporé.


Ecoutes

Florin Niculescu - Djangophonie (Le Chant du Monde Jazz)
Ce CD, à l'image d'un Grappelli enregistré par Telarc au Blue Note en 1995, a la particularité de balayer une belle étendue du spectre musical : de la contrebasse / basse électrique aux plus hautes harmoniques du violon. C'est donc un très bon test pour la lisibilité et l'intermodulation, liée naturellement au rapport des fréquences. Le mastering est par ailleurs excellent.
Sur les plages 2 et 9, l'amplificateur se comporte admirablement, tenant sans problème un 30 Hz, donc deux 38cm et deux 30cm en parallèle !
A la limite de la distorsion audible, les vumètres en face avant ne bougent quasiment pas, preuve de la parfaite régulation de la haute tension et de l'efficacité du double filtrage.
Le haut-médium du violon est magnifique, les envolées sont bien présentes, rapides et sans agressivité, traduisant toute la capacité virtuose de Florin Niculescu.
Une fluidité toute naturelle se dégage donc de cette première écoute.

Diana Krall - Love Scenes (Impulse !)
La superbe Diana se découvre enfin … la voix chaude, le bas-médium caractéristique de la chanteuse est présent avec tout le côté langoureux. L'intelligibilité est notable, avec un détail impressionnant sur les labiales : "I Miss You So", "They Can't Take That Away from Me", "Gentle Rain", "How Deep Is the Ocean".
On sort totalement du brouillard sans vie des amplificateurs à transistors, sans pour autant tomber dans l'analytique, vite fatiguant.
La musicalité est une constance.
Ce CD de 1997 est redécouvert, avec des sifflantes moins brillantes que sur bien d'autres amplificateurs, même à tubes.
Les quelques distorsions sur le piano, liées à la prise rapprochée et à la compression ne sont jamais gênantes. Il en est de même pour celles de la guitare amplifiée de Russell Malone.
La contrebasse du fougueux Christian McBride possède un beau contour, sans bavure, malgré l'écoute monophonique, et les slaps restent détaillés.

Henri Mancini - Breakfast At Tiffany's (RCA Victor)
Pour ce célèbre album de 1961 et la jeune et jolie Audrey Hepburn, on retrouve toute la verve et les arrangements de Mancini que nous avons l'habitude d'écouter en vinyle, avec les pressages stéréo originaux de chez RCA.
Ce CD, avec son excellent mastering, ne dénature en rien la qualité musicale présente sur le vinyle et les plans sont toujours marqués en profondeur lors de cette écoute en mono.
L'extrême grave subtil des plages "Moon River" et "Holly" est présent à son juste niveau.
Les tessitures des chœurs se détachent parfaitement et la dynamique est puissamment rendue sur les passages plus orchestrés : "The Big Blow Out" ou "Latin Golightly".

Arthur Fiedler, Boston Pops - Hi-Fi Fiedler (RCA Red Seal - Sony Music)
Autre magnifique CD, issu des prises exceptionnelles de chez RCA. Mastering PCM hors pair.
Encore une fois, nul n'étant prophète en son pays, le passionné de technique qu'était Arthur Fiedler, promoteur des premiers enregistrements stéréo de la RCA, met en évidence la maîtrise d'orchestration de Charpentier dans "España".
Les reprises orchestrales se font donc sans traînage, tandis que le triangle à lui seul n'est jamais agressif et possède la matière adéquate.
La masse des contrebasses s'étend jusqu'à la limite inférieure du registre grave et reste environnante.
Les pupitres de cordes sont justement soyeux et les pizzicati sont bien détaillés, malgré la limitation monophonique qui dénature quelque peu la réverbération propre à la salle.
On est très loin d'une écoute agressive et orientée sur le médium / haut-médium, typique d'une reproduction à transistors de ces prises, et qui pourrait faire croire à des défauts liés à l'enregistrement ! Non !
Toute la difficulté de la reproduction réside ici dans la justesse de l'équilibre tonal, quelles que soient les zones du spectre sonore.

Vous l'avez compris : nous sommes en présence d'un bel objet, tant pour l'œil que pour l'oreille !
Avec les bigrilles et les couplages par transformateurs, c'est une qualité identique à de la "pure triode", mais avec une sensibilité plus grande liée aux tubes employés.

Une version stéréo aurait été fabuleuse … mais aucun clone en vue …

A très bientôt - sur rendez-vous - en nos locaux et que vive la Musique !


Musicalement vôtre,

Laurent SCHWARTZ
Ingénieur Electronicien - Ingénieur du Son

L'Autre du Son

© Janvier 2014 AUDIO MUSICAE