EDITO NOVEMBRE-DECEMBRE 2013

Retour Accueil


Retour vers les tubes. Phase, Haute Fidélité et Musicalité.


L'analyse de plusieurs schémas d'amplificateurs à tubes de la "grande époque" fait apparaître une recherche de la perfection musicale, liée à une perfection sur un point critique que nous avons déjà mentionné : la phase, ou plutôt la distorsion de phase.

Le respect de la phase, dans tout schéma d'amplificateur push-pull à tubes, passera par la symétrie d'un maximum d'étages d'amplification en tension, à minima le circuit déphaseur qui se doit d'être chargé de manière équilibrée par les tubes de puissance.
Une compensation de la phase passe également, au premier ordre, par le respect de constantes de temps élevées sur les liaisons audio.

Le transformateur de sortie est l'élément de la plus grande importance et a son impact sur la phase.
On peut facilement confirmer aux mesures et à l'écoute que c'est de lui dont dépend en grande partie le résultat final.

Il est donc parfaitement absurde d'étudier un amplificateur à haute fidélité si le transformateur n'est pas à la hauteur et va introduire des distorsions majeures d'amplitude et de phase. Et cet élément est donc coûteux en regard des performances demandées.

Il faut en effet utiliser beaucoup de cuivre et beaucoup de tôles, et, circonstance aggravante, des tôles de très bonne qualité et donc coûteuses !

Une manière d'arriver à un très bon résultat, avec des enroulements aux coefficients symétriques, est l'adoption de bobinages dits en "double sandwich".

Dans un amplificateur "standard", à fort taux de contre-réaction, on peut se permettre quelques libertés quant à la valeur optimale de l'impédance de charge des tubes de sortie, donc du transformateur et diminuer quelque peu son coût.

Dans tous les cas, les deux enroulements doivent présenter le même coefficient de self induction primaire. C'est l'importance de ce coefficient d'induction qui assure la bonne transmission des fréquences basses.

Dans un bon calcul, il faut considérer la fréquence la plus basse à transmettre, par exemple 25 Hz, et considérer que l'impédance de charge est en parallèle avec l'impédance des deux tubes de sortie.

De l'autre côté de la bande passante, et pour assurer une bonne transmission de fréquences élevées, il faut réaliser des enroulements présentant de faibles fuites et de plus, ces fuites doivent être symétriquement égales !

En 1949, les concepteurs se plaignent déjà de la mauvaise qualité de certains fabricants de transformateurs (sic) et de la disparition, presque effective aux catalogues, des triodes de puissance !

A l'opposé des amplificateurs modernes à tubes avec tétrodes ou pentodes de puissance, plusieurs principes de base émergent des schémas employés pour la mise en oeuvre de célèbres, voire incontournables triodes :

- attaque de l'étage final par un déphaseur de semi-puissance,
- déphasage par cathodyne, donc sans distorsion et faible charge possible,
- les lampes de sortie sont majoritairement des 300B, 2A3, AD1, 45, voire des UX250 en des temps plus reculés ...

Dans tous ces amplificateurs d'avant-guerre (celle de 1939-45), une grande priorité est donnée aux transformateurs pour satisfaire à une haute fidélité de reproduction, sans aucun artifice lié à une contre-réaction quelconque (vous pouvez relire à ce titre une conception à base de tubes 807 dans notre édito d'Avril-Mai 2013).

Pourtant, en 1947, l'anglais D.T.N. Williamson va tout bousculer et proposer un concept original d'amplificateur, avec pentodes finales montées en triodes, étages symétriques au maximum, et surtout... mise en place d'une contre-réaction globale pour améliorer la stabilité et la linéarité de la bande passante.


Schéma original de l'amplificateur Williamson (Mai 1947) avec ses tétrodes KT66 montées en triode.

A partir de Mai 1947, Williamson va modifier son schéma jusqu'à une finalisation en Août 1949 !
Deux ans d'étude, d'essais et de mesures de tous ordres pour délivrer la précieuse Haute-Fidélité naissante, pas tout à fait au niveau professionnel, mais réellement au niveau grand public.

Ses articles publiés dans Wireless World suscitent alors un intérêt considérable, vu les performances annoncées pour l'époque et malgré la faible puissance modulée de 15 Watts, rapportée aux KT66 pouvant délivrer allègrement plus de 50 Watts.

L'amplificateur Williamson devient rapidement un cas d'école, est très largement commenté, disséqué et reproduit un peu partout, avec plus ou moins de succès, fonction du transformateur de sortie qui lui est bien sûr associé ...

A noter que dès 1947, la revue "La TSF pour Tous" (presque pour tous, puisque destinée aux professionnels de l'électronique ...), va publier sous la plume de l'excellent ingénieur SupElec Lucien Chrétien, un ampli dont le schéma apparaît sous la même forme que celui de Williamson, mais avec une antériorité qui peut donc poser question par rapport au concepteur anglais :
En effet, dès 1938, Lucien Chrétien propose ce même type d'amplificateur push-pull avec les fabuleuses triodes AD1, puis en 1946 avec des 6A5.
L'antériorité de son travail ne peut être contestée, mais nul n'étant prophète en son pays ...


Schéma de l'amplificateur Chrétien revu en Juin 1949, ici avec des tétrodes 6V6.
On notera la linéarité exceptionnelle de l'ensemble qui tient dans 1dB sur toute la bande audio.


Dans tous les cas, et pour revenir à la contre-réaction, elle est choisie relativement faible pour ne pas sacrifier à la dynamique de l'amplificateur et amener des distorsions de phase importantes dans certaines régions du spectre sonore.

Un petit doute quant à la conception de ces amplificateurs des années 40 et même d'avant ?
Venez-donc les découvrir, sur rendez-vous en nos locaux, et vous comprendrez que la musicalité n'est pas une question d'âge ou de technologie !


Petit précis d'Audio Musicae :

L'échelle des fréquences musicales fondamentales s'étend environ de 80 à 4200 Hz.
Mais pour conserver aux sons musicaux leurs timbres caractéristiques, il faut ajouter au moins les premiers harmoniques des notes fondamentales : la gamme nécessaire pour un enregistrement et une reproduction satisfaisantes s'étend alors au minimum à 10 000 Hz.

Issu des travaux de la Western Electric et de Bell Laboratories, la fréquence fondamentale d'une voix d'homme est centrée à 128 Hz ; celle d'une voix de femme à ... 256 Hz. Les harmoniques montent jusqu'à 8000-9000 Hz.
Une transposition simple montre que la gamme 3000-6000 Hz chez l'homme correspond à la gamme 5000-8000 Hz chez la femme.
L'oreille étant bien moins sensible sur cette dernière gamme, la voix féminine est plus difficile à reproduire que la voix masculine ; en outre, les consonnes sont prononcées plus faiblement et correspondent à des fréquences bien plus élevées.

Ainsi, dès 1929 pour le cinéma sonore, et grâce à la très faible inertie des graveurs et des cellules magnétiques professionnelles, on enregistre et on reproduit les fréquences jusqu'à 10 000 Hz sur des disques de 40 cm tournant à la vitesse de 33 tours 1/3 !
Non, la vitesse de 33 tours 1/3 n'est pas liée à l'invention ultérieure du microsillon !
Les disques 78 à 80 tours sont d'ailleurs qualifiés par les professionnels de l'époque de "disques du commerce" ...

Les débuts de l'amplification de grande puissance (1929) :


Amplificateur de 25 Watts - vers 1930 - avec liaison unique par transformateur et pentode de sortie F443 : l'ancêtre de la EL34 !
Le tube final de puissance est alimenté par une haute tension de 450V.
Le filtrage de la haute tension s'effectue sur le pôle négatif et permet ainsi la polarisation adéquate et fixe de la triode d'entrée et du tube final, via le réseau diviseur à résistances.



Autre exemple d'amplificateur de 10-12 Watts - 1928 - toujours avec liaisons uniques par transformateurs.
Les tensions des condensateurs sont indiquées en valeur alternative, ce qui correspond à leur tension d'isolement, soit environ 4 x Vo, la tension aux bornes étant donc de 250V continus pour 1000V annoncés.
Montage en parallèle des toutes premières triodes audio de puissance, ici des UX250.
Le redressement de la haute tension s'effectue encore par deux valves monoplaques (!) UX281, les amorçages internes des tubes et leur courant utile étant loin d'être maîtrisés.
Il est précisé qu'il s'agit d'un "amplificateur entièrement alimenté par le secteur alternatif", rare à cette époque, sauf zones urbaines ...
Autre commentaire précieux à méditer : "L'alimentation par batteries donne les meilleurs résultats sonores, mais on est également parvenu à utiliser le courant d'un secteur, au moins pour les derniers étages de puissance".
La Western Electric, pourtant à la pointe du progrès, fabrique ainsi des amplificateurs de cinéma alimentés de cette manière !
La Gaumont fait de même dans les années 1928-1930 et utilise des accumulateurs en tampon pour ses amplificateurs de cinéma.

Une restauration similaire de ces tous premiers amplificateurs de l'ère électro-acoustique sera bientôt en écoute et en stéréo - oui - mais uniquement chez Audio Musicae ...


Musicalement vôtre,

Laurent SCHWARTZ
Ingénieur Electronicien - Ingénieur du Son

L'Autre du Son

© Novembre-Décembre 2013 AUDIO MUSICAE