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Magnétophone STUDER A80R (38 - 76 cm/s) :
optimisation de la carte Maître Oscillateur et des 2 cartes de Préamplification de Lecture :
réduction du bruit sur alimentation en mode Enregistrement et amélioration de la transparence audio en mode Lecture




Monsieur A. est un professionnel de l'enregistrement, spécifiquement de la musique classique. Face à ces instruments purement acoustiques et dans son éthique de captation de l'oeuvre, seul un matériel analogique lui permet d'enregistrer la palette de timbres et de variations dynamiques dans le plus grand rafinement.
De nombreux échanges nous ont permis de tisser une relation cordiale avec monsieur A. , de détecter ses besoins techniques et de reproduction sonore : sa mise en oeuvre du plus haut niveau des matériels professionnels et ses jugements d'écoutes sont imparables.

Dure tâche qui nous attend dans ce contexte exigeant mais dont le challenge est d'autant plus excitant ...

Monsieur A. nous demande d'optimiser la partie audio "lecture" (reproduction) de son magnétophone d'enregistrement "live" : un Studer A80 R (2 pistes) : les qualités intrinsèques de cette superbe machine analogique ne sont plus à détailler, à la fois au niveau audio et au niveau fiabilité : les versions multipistes ont équipé pendant de longues années les studios d'Abbey Road ...

Après plusieurs points techniques intermédiaires, nous faisons remarquer qu'une diminution du grain à l'enregistrement s'accompagne également d'une amélioration de la carte oscillateur d'effacement et de prémagnétisation : en effet cette carte utilise les mêmes alimentations que les cartes audio d'enregistrement : la pollution créée par cet oscillateur puissant sur les alimentations n'est pas négligeable ...
Avant toute proposition, notre premier travail consiste à analyser les schémas du Studer, dans la version de son heureux propriétaire. Après accord sur le devis technique et financier, monsieur A. nous fait parvenir trois cartes :

> la carte "maître oscillateur"
> les deux cartes audio de reproduction (lecture)

1) ANALYSE DE LA CARTE OSCILLATEUR :

Il s'agit d'un oscillateur LC de type "Armstrong" (couplage collecteur-base) monté en push-pull et assurant ainsi la suppression des harmoniques paires.
La fréquence d'oscillation, purement symétrique, est de 150 KHz.
Le condensateur d'accord du réseau LC est un imposant papier métallisé de 8.2 nF à 2.5%
Le niveau de sortie est conséquent, lié à l'utilisation d'un transformateur élévateur : il atteint environ 100V càc sur une charge de 500 Ohms, sans déformation notable de la sinusoïde !
La tête d'effacement est alimentée via un petit réseau RC (10 Ohms - 10nF) qui assure une certaine protection des transistors du push-pull par limitation du courant et améliore aussi la pureté spectrale de l'onde sinusoidale (diminution des harmoniques).
Cet oscillateur est alimenté par les deux alimentations symétriques de +/- 12V. La commande en mode enregistrement s'effectue via un ensemble de transistors qui passent en saturation et alimentent ainsi le point commun des deux émetteurs du push-pull. Un autre système de relais commute les tensions ajustables de pré-magnétisation (bias), fonction de la vitesse d'enregistrement.


Ces tensions sont issues de deux enroulements secondaires séparés afin d'assurer l'indépendance totale des réglages entre les deux canaux d'enregistrement (G/D). La réjection sur l'alimentation est essentiellement réalisée par un réseau RC (47Ohms 10µF) sur la partie commande transistorisée et par deux condensateurs chimiques de 10µF et 220µF en parallèle sur le circuit principal oscillateur. Il n'existe pas d'autre découplage ou filtrage électronique.


Notre première opération consiste donc à mesurer la "pollution" ou le découpage généré sur les alimentations à différents points critiques du circuit. Nous utilisons pour cela nos alimentations de référence (sources de tensions professionnelles ajustables par pas de 100mV avec une résiduelle de bruit de 300µV) qui nous permettront d'optimiser au mieux cette carte ...
Nous fixons définitivement notre observation au point le plus critique du circuit ; la valeur "indésirable" est de l'ordre de 8 mV crête à crête ... soit une réjection de # 70 dB sur l'alimentation, en correspondance avec le rapport signal sur bruit non pondéré du magnétophone en mode E+L

Oscillogramme 1                                     Oscillogramme 2                                 Oscillogramme 3
Après optimisation de plusieurs composants du circuit :
> condensateurs au papier métallisé
> condensateurs au polypropylène
> remplacement de certains tantales
> découplages supplémentaires
> changement de certains transistors de l'époque par des transistors au seuil de commutation plus rapide, ...
Nous arrivons en final à une valeur crête à crête qui tient dans 2mV (1mV / division sur l'oscillogramme 3), soir une réduction d'environ 12 dB de bruit sur l'alimentation. Nous sommes dans le bruit de mesure (# 500µV).

Monsieur A. devrait pouvoir en écouter les conséquences positives lors de ses enregistrements ...

2) ANALYSE DE LA CARTE DE LECTURE ("Reproduce Amplifier") :

Les deux cartes qui équipent ce magnétophone sont de fabrication différente : l'une est vernie côté pistes du circuit imprimé ; l'autre non ! Mais ce point est sans incidence sur les performances finales.


Deux petites cartes permettent la conformité au standard CCIR en mode lecture : elles sont enfichées sur le circuit principal, côté composants.


Ces cartes qui comportent des résistances à couche métallique de technologie différente, seront appairées avec d'autres résistances à couche "modernes", dont l'évaporation sera sans risque de fiabilité sur les très fortes valeurs de 470 KOhms et 680 KOhms.
Les constantes de temps (35 µS et 17.5 µS) seront approchées à mieux que 2% par tri des trois résistances.
La stabilité en température globale sera meilleure que 50 ppm (rapportée aux résistances).
Les pistes de liaison au connecteur sont rechargées avec une soudure à l'argent (4%).

Le schéma de l'amplificateur comporte 16 transistors. Trois condensateurs de liaison se trouvent sur le trajet audio. La sortie symétrique (déphasage +/- 180°) s'effectue via un transformateur imprégné en "double C" de très haute perméabilité, grand classique sur les matériels professionnels de Studer. Cette structure assure une réponse transitoire exceptionnelle.
Les signaux audio issus de la tête de lecture sont préamplifiés par un premier étage à 5 transistors dont un Transistor à Effet de Champ (Field Effect Transistor), peu courant en audio dans les années 70. Comme pour les cellules magnétiques phono, la tête de lecture est chargée par un réseau RC pour linéariser son impédance caractéristique sur toute la plage des fréquences audio. Le constructeur a même prévu une petite inductance optionnelle permettant de repousser la résonance propre de la tête de lecture ...
Le premier transistor est un modèle PNP à très faible bruit qui attaque en direct le FET et détermine ainsi son point de fonctionnement en continu. La correction CCIR est appliquée à ce niveau. Viennent ensuite les autres étages d'amplification avec la structure courante (dans le domaine professionnel) d'égalisation Enregistrement / Lecture par réseaux à selfs-capacités déterminant les pôles de la fonction de transfert. L'ajustement précis en amplitude de la courbe de correction s'effectue à l'aide de potentiomètres monotours type "Cermet" facilement accessibles en façade pour le réglage en fonctionnement.



L'amplificateur de sortie, à liaison directe et bootstrap, comporte de "bons vieux" (mais efficaces ...) BC108B, BC178B triés en gain et un push-pull complémentaire de BC140-BC160 polarisés en pure classe A, montés sur radiateurs à ailettes. La protection en sortie est assurée par deux résistances d'émetteur de 4,7 Ohms dont le point commun attaque le transformateur. Un important découplage des alimentations est confié à deux condensateurs de 1000µF. De même, typique des schémas professionnels (Studer, Neumann, Telefunken, Urei, ...), le condensateur de suppression de la composante continue est dans la "jambe froide" du transformateur, de façon à améliorer la transparence et transmettre le signal audio originel par couplage maximum primaire-secondaire. La courbe du transformateur est linéarisée par une petite résistance de 1 KOhms qui assure également une charge minimale de l'étage de sortie en cas de déconnexion de l'appareil suivant.

Notre optimisation consistera à :
> changer certains types de transistors, avec une mention particulière pour le FET BC264C dont l'usage initial le destine aux applications HF et dont les caractéristiques de bruit en 1/f sont dépassées ...
> remplacer quelques condensateurs critiques sur le trajet du signal
> remplacer quelques résistances à couche métallique
> assurer des découplages supplémentaires aux points sensibles, sans percer la carte d'origine (même si nous avons l'autorisation de Monsieur A. !), l'inter-cartes étant suffisant pour nos composants additionnels.

Résultats ??? Objectif tenu ???

Plutôt que de vous donner notre avis subjectif de juge et partie, nous reproduisons ci-après l'analyse de Monsieur A. :

J'ai été assez pris depuis lundi, mais me revoilà ! J'ai refermé le capotage de la machine et l'ai replacé normalement (en plein milieu de la pièce pendant les interventions). Je n'ai pas encore réglé les "bias" en façade sur les petits potentiomètres. Cependant, ils sont remis tous au même niveau en regard à l'égalité des voies. J'ai fait quelques premières écoutes au calme hier soir.
C'est très bien ! Exactement dans le sens que je souhaitais.
Le changement le plus marquant à mon sens, avec l'optimisation, est la modulation du message sonore, le naturel du jeu, la fluidité retrouvée et surtout le recul de la projection.
Bien entendu, les timbres ressortent avec une musicalité superbe. La scène sonore reste bien "plantée", sans exubérance, cependant la vivacité et la dynamique ne sont pas minorés, loin de là ! et ça, c'est une chose importante. Tout cela est encore un peu rapide, mais voilà les premières impressions au calme.
... au niveau des "bias" pour la tonalité, j'aurai encore à "peaufiner", mais je trouve l'équilibre déjà pas mal. J'ai aussi trouvé le bon niveau entre les cartes Studer et le préampli du système, il y a comme cela un juste équilibre.
Les composants se rodent également et l'ensemble a bien chauffé ; l'écoute est superbe, beaucoup de passages difficiles passent beaucoup mieux. L'ensemble de la restitution est bien "assise" avec un bien meilleur équilibre spectral et une fluidité toute musicale.
L'écoute est moins "tirée" vers le haut, c'est plus naturel et confortable, mais avec des transitoires qui ne sont pas étouffées.
L'ensemble de l'optimisation fait merveille avec une mention particulière pour votre Fet "cuisiné en région" comme vous l'évoquiez dans votre message !
Notre discussion téléphonique avec vos explications sur le "pourquoi" de chaque partie de l'optimisation m'ont permis de bien comprendre la démarche.

Un grand merci à Monsieur A. pour ses commentaires !