RESTAURATION - REPARATION - REMISE A NIVEAU - OPTIMISATION

Retour Autres Restaurations


Restauration d'un Ampli Tuner BANG & OLUFSEN de 1971, modèle BEOMASTER 3000-2 :
réparation et remise en fonctionnement complet : recherche des stations auto et manuel sur tuner FM, réalignement tête HF, réglage discriminateur, affichage syntonisation station, ajustement séparation des canaux décodeur, changement des transistors drivers sur amplificateur de puissance



Monsieur C. possède plusieurs appareils de BANG et OLUFSEN, particulièrement des modèles vintage de 1970 à 1985 environ.
Il nous apporte un de ses premiers appareils : l'Ampli-Tuner 3000-2, dont la date de contrôle final de fabrication (photo ci-dessous) est clairement du 15 Juin 1971.
Souhaitons que le danois "E.S." qui a effectué ces contrôles soit en retraite bien méritée à ce jour ...


Comme pour tous les appareils de cette marque prestigieuse, une des premières difficultés réside dans le démontage complet de l'appareil et l'accès aux circuits imprimés côté composants et côté pistes : le coefficient de remplissage du coffret est plutôt élevé et certains circuits se superposent ou sont assemblés de manière orthogonale.
De plus, le design avec ses lignes épurées, la taille basse générale de ces appareils associée à l'utilisation des technologies électroniques les plus récentes dans chaque modèle font qu'aucune vis n'apparaît en façade ou sur les parties visibles par l'utilisateur.
Après enlèvement des quelques vis du fond, un ensemble très astucieux d'emboîtements et d'équerrage de pièces en aluminium et plastique permet, dans un ordre bien précis, l'accès à la structure électronique :


L'ampli-tuner de monsieur C. n'a pas été utilisé depuis de nombreuses années et plusieurs défauts majeurs sont constatés :

- défauts de contacts sur commutateurs à clé et à glissière
- crachements sur potentiomètres rectilignes
- recherche manuelle des stations FM inopérante
- indication lumineuse de l'accord (syntonisation) précis sur l'émetteur FM défectueux
- vu-mètre indicateur de champ à sensibilité quasi nulle
- décodage stéréo instable
- forte distorsion de croisement-polarisation sur amplificateur canal droit

1) Partie Tuner FM

La tête blindée de réception dont les composants ont vieilli au fil des ans, nécessite un recalage des différents accords et couplages à leur point optimum : antenne HF, oscillateur, mélangeur.


Le système d'entraînement (recherche des stations) est cassé. Le support plastique sera reformé avec un polymère rapide et taillé précisément au scalpel compte tenu du peu de marge mécanique aux extrémités. Deux points de colle cyanolite sont ajoutés pour compléter la tenue mécanique du cordon de liaison. L'ensemble est définitivement protégé par un vernis rouge.


Les présélections automatiques sont très classiques : une tension stabilisée, ajustable et disponible aux bornes d'un potentiomètre, commande les diodes à capacité variable type BB103 pour l'accord antenne et l'oscillateur local.
La technologie employée est très moderne pour l'époque (1970) : deux transistors à effet de champ (2N5245) montés en cascode assurent l'amplification d'entrée avec un très faible niveau de bruit.
A noter que malgré le rattrappage par le C.A.F. (Contrôle Automatique de Fréquence), la précision de la fréquence "mémorisée" dépend de la stabilité thermique des diodes varicap, des condensateurs de l'oscillateur, de la tension de référence, ... : tant de paramètres qui influent directement sur la reprise de fréquence à la mise en marche ; la stabilité est encore agravée par l'utilisation de potentiomètres de réglage à piste carbone ...
Les condensateurs tantale de 0.47µF qui assurent le découplage sont vérifiés : compte tenu du principe d'ajustement en haute impédance, tout courant de fuite serait une cause supplémentaire à l'instabilité de la station mémorisée.


Les réglages des étages intermédiaires FI sont ajustés avec notre analyseur de réseaux pour un maximum d'amplification et de largeur de bande.
En final, le réglage du discriminateur comprenant un circuit intégré µA703 et une détection par diodes au germanium type AA119 est également repris pour obtenir la déviation maximale avec un signal d'antenne de 3 µV / 75 Ohms (données constructeur).
NDLA: pour mémoire, les meilleurs tuners germaniques en 1970 ont une sensibilité typique inférieure à 0,55 µV !!!
Le gain total de la partie haute fréquence est d'environ 80 dB. Un galvanomètre à aiguille indique la valeur du champ reçu entre 1 et 5.


Les lucioles indiquant l'accord exact sur l'émetteur au "zéro" du discriminateur sont commandées par deux transistors Darlington montés en bascule. La tension d'équilibre et d'intensité est ajustée à ce niveau par deux résistances variables.


Le décodeur stéréo, entièrement réalisé en composants discrets, est un "grand classique" : amplification de la sous-porteuse stéréo à 19 KHz puis multiplication à 38 KHz par redressement double alternance. La présence du signal à 38 KHz, donc d'une émission en stéréophonie, commande le voyant d'indication stéréo. Le dématriçage est réalisé par quatre diodes pour la récupération des signaux modulés Gauche et Droit. La séparation optimale des canaux est ajustée par une résistance variable qui relie les deux émetteurs des transistors buffers de sortie.



2) Partie Préampli - Ampli

Les ingénieurs de B&O ont très astucieusement pensé le schéma, principalement au niveau de la protection des étages finaux. Il faut en plus se replacer dans le contexte de la technologie des composants de l'époque : quelques bipolaires triés en gain, des 2N3055 (seuls des transistors type 2N3442 ou 2N3773 tenant 140V étaient disponibles pour des amplis de plus grande puissance).


On remarque comme à l'habitude chez B&O, l'utilisation de nombreux composants et références de chez PHILIPS.
L'étage Phono comporte deux transistors à très faible bruit. La correction RIAA est confiée à un réseau de contre-réaction RC. Des résistances à couches métalliques sont câblées aux points critiques afin de limiter le souffle sur cet étage.

La préamplification suivante en tension (étages Tape, AUX) n'amène pas de commentaires, avec un réglage de Loudness en basse impédance pris sur un point intermédiaire du potentiomètre de volume et un correcteur grave-aigu type Baxandall.

L'ampli de puissance est bien conçu, malgré l'absence d'étage différentiel en entrée ce qui lui vaut une capacité chimique de forte valeur en sortie (3000 µF) pour attaquer les haut-parleurs.
Ce condensateur protège naturellement les haut-parleurs de toute composante continue en cas de destruction de l'étage de sortie. Une auto-protection supplémentaire est réalisée par un ensemble de diodes et de transistors fonctionnant en "saturé-bloqué" : toute tension continue dépassant les seuils de fonctionnement normal de l'étage de sortie limite l'intensité maximale des transistors de puissance, ceci sans risque de destruction.

En l'absence d'étage différentiel, on remarque aussi une ingénieuse régulation thermique de l'ensemble :
- une thermistance de 47 Ohms plaquée contre un des 2N3055 voit sa valeur augmenter (CTP) avec la température et régule automatiquement le point de fonctionnement fixé à 27,2V. La tension de référence, avant amplification continue (gain # 40), est donnée par une diode zéner de 1,5 V.


- plus classique, plaqué contre le radiateur, un transistor assure la régulation du courant de base des transistors driver, donc du courant d'émetteur au repos des transistors de puissance.

Fidèle à nos habitudes électroniques (...), le point de fonctionnement (distorsion de croisement) sera réglé un peu au-dessus de la valeur constructeur, de manière à faire fonctionner l'amplificateur en pure classe A sur des puissances inférieures à 10W. La consommation et la dissipation thermique sont un peu plus élevées mais l'écoute à faible niveau en sera notablement améliorée ...


Malgré toutes les précautions du constructeur, les deux transistors driver sont en défaut et sont remplacés par des modèles récents série BD (boîtier TO220) tenant les 100V de VCEO pour 60V d'alimentation : la marge de sécurité est acquise et très suffisante.
Après vérification des soudures et pour valider la réparation de l'amplificateur de puissance, nous utilisons un "VARIAC" qui assure la montée progressive en tension de l'ampli-tuner : toute consommation anormale est immédiatement détectée et évitera ... un départ en fumée ... si un autre problème est présent sur la carte de puissance ou sur l'alimentation !


Performances et Ecoute :

Au delà de la sobriété générale de la ligne et du coffret en bois plaqué qui donne une petite touche de naturel à l'objet massivement métallique en façade, l'illumination des indicateurs est très agréable visuellement et surtout très pratique au niveau du calage précis sur les émetteurs FM.

La sensibilité est très bonne, mais un peu limitée aux mesures aux extrémités de la bande FM : la bande passante globale de la partie HF aurait pu être plus large. A noter qu'un décalage interne de l'oscillateur local permettrait d'atteindre les 108 MHz, au lieu de la limitation intrinsèque à 104 MHz.
La sélectivité est excellente, mais la couverture du CAF est trop étendue, rapportée à une distance plus grande séparant deux émetteurs à l'époque. C'est un risque pouvant facilement entraîner le passage d'un émetteur à un autre plus puissant, fonction des conditions de réception.
Comme sur beaucoup de tuners de l'époque, le réglage de présélection est très (trop) sensible.
Le décodage stéréo s'effectue pour un signal d'antenne de 10 µV. Le souffle résiduel est en correspondance avec un filtrage simple du second ordre.

Au niveau acoustique, alimentant nos enceintes de référence à très haut rendement, on note une absence générale de distorsion. La puissance semble subjectivement très élevée, liée à une excellente dynamique (forte valeur de la tension d'alimentation).
Même si la première octave est en retrait, le grave reste tendu malgré un facteur d'amortissement légèrement dégradé avec le condensateur série. Du haut grave jusqu'au haut médium, la définition est subtile et très musicale, sans toutefois être très poussée.
L'aigu et l'extrême aigu sont moins précis et filés qu'avec un ampli type MOSFET ou Tubes, mais la matière est présente et bien réaliste sur cette partie du spectre.
On ne retrouve pas la dureté notable des amplis à transistors mal conçus, surtout avec des 2N3055, signe d'un choix judicieux de la conception et des composants.

Une pleine réussite rapportée à l'époque sur un appareil grand public hors normes, à un moment où beaucoup d'audiophiles de la "génération tubes" découvraient le mal aimé transistor (?) ...